mercredi 6 décembre 2006, par Jacques
Libération Par Jacky DURAND, Fabrice TASSEL QUOTIDIEN : mercredi 6 décembre 2006
Plus que jamais les jeunes et plus particulièrement les mineurs sont dans le collimateur de Sarkozy. Qu’il s’agisse de l’occupation des halls d’immeuble (six mois de prison) ou de la rébellion contre les forces de l’ordre (un an), son projet de loi voté hier à l’Assemblée alourdit les sanctions et modifie un texte pourtant emblématique de la justice des mineurs : l’ordonnance de 1945. « Nous sommes aujourd’hui confrontés à des actes gratuits, sauvages, tels que l’incendie du bus de Marseille », a dit, le 21 novembre, le ministre pour justifier le durcissement de la loi : « Si on excuse la violence, il faut hélas s’attendre à la barbarie. »
Egrener des faits divers pour servir son propos est une ficelle habituelle du ministre de l’Intérieur, qui, lors du début de l’examen du projet de loi, lançait aussi que « depuis dix ans, la délinquance des mineurs a augmenté de 80 % ». Cette stigmatisation des jeunes qu’elle entraîne ne résiste pas à l’examen des chiffres de la justice, et au décalage avec ceux de la police. Dit autrement, une personne mise en cause par une procédure policière n’est pas forcément sanctionnée d’un point de vue judiciaire. Globalement, 9,8 % des infractions susceptibles d’être pénalement poursuivies (142 000 sur un total de 1 462 000) sont imputées à des mineurs. Alors que Sarkozy fait tout pour braquer les projecteurs sur cette part de la délinquance, celle-ci est donc l’oeuvre à 90 % de majeurs. Dans le détail, plusieurs chiffres issus d’un document de la direction des statistiques du ministère de la Justice, d’août 2006, démentent le cliché d’une délinquance juvénile de plus en plus dure, massive et précoce. Ainsi le nombre d’affaires concernant des mineurs non poursuivables, parce que l’infraction était mal caractérisée ou parce que le mineur avait été mis hors de cause, a augmenté de 17 % entre 2001 et 2005. Dans le même ordre d’idée, les affaires criminelles transmises à un juge d’instruction, donc les plus graves, ont baissé depuis 2000 (2 629 dossiers contre 2 332 en 2005, soit une baisse de 6,4 %). Autre idée imposée par Sarkozy, le laxisme de la gauche. Pourtant, toujours selon le ministère de la Justice, il y avait plus de mineurs condamnés à de la prison ferme sous Jospin : en 1999 le nombre de sanctions était de 8 297 contre 6 204 en 2005. Mais les chiffres du ministère de la Justice sont bien moins médiatisés que ceux de l’Intérieur. Sans doute à cause de la personnalité de leur patron respectif.
Source : Libération.fr : Les statistiques qui éreintent les clichés de Sarkozy