Non à Sarko

Accueil du site > Election présidentielle 2007 > Nicolas Sarkozy se voit déjà au Panthéon !

Nicolas Sarkozy se voit déjà au Panthéon !

mercredi 17 janvier 2007, par Jacques

Lors de son investiture par l’UMP à la candidature pour l’élection présidentielle - devrions nous dire de son sacre ? - Nicolas Sarkozy nous a gratifié d’un discours fleuve pendant lequel il nous a fait vibrer et pleurer. Je pense avoir l’occasion de revenir plusieurs fois sur ce discours, et je m’intéresserais aujourd’hui surtout à la première partie, pendant laquelle Nicolas Sarkozy nous dévoile son combat et ses valeurs, en se comparant de façon subtile aux grands homme (et femmes) qui ont marqués l’histoire de France.

A cet instant où pour moi tout change, je ne peux m’empêcher de penser à ceux qui m’ont fait rêver d’une autre destinée, d’une vie plus grande, d’un avenir plus passionnant. Ils ont été pour moi une source de réflexion, d’espérance, et même parfois de confiance. Eux, ce sont les héros de la Résistance et de la France Libre

Nicolas Sarkozy rêve d’une vie plus grande, il a le mérite de nous le dire directement et sans ambages. Nous voyons poindre la mégalomanie, discrètement. Une petite association aux héros de la résistance, ça ne peut pas nuire à l’image.

Nicolas Sarkozy nous emmène ensuite dans une tirade messianique ou il nous dit qu’il est sorti de son cocon étriqué de militant RPR, pour finir par s’identifier aux hommes et femmes, les prophètes, qui ont fait notre pays.

"J’ai changé parce qu’à l’instant même où vous m’avez désigné j’ai cessé d’être l’homme d’un seul parti, fût-il le premier de France. J’ai changé parce que les épreuves de la vie m’ont changé."

"J’ai changé parce que nul ne peut rester le même devant le visage accablé des parents d’une jeune fille brulée vive. Parce que nul ne peut rester le même devant la douleur qu’éprouve le mari d’une jeune femme tuée par un multirécidiviste condamné dix fois pour violences et déjà une fois pour meurtre."

Un petit peu de sentiment facile et de cas particuliers pour créer l’émotion, c’est important. Cas cas peuvent être révoltants, mais la généralisation à partir de cas particuliers est une excellente façon de se tromper !

"J’ai changé quand j’ai visité le mémorial de Yad Vashem dédié aux victimes de la Shoah. J’ai changé quand j’ai lu à Tibhirine le testament bouleversant de frère Christian, enlevé puis égorgé par des fanatiques avec six autres moines de son monastère."

On continue sur le sentiment facile, tout en se donnant une profondeur religieuse. Sauvez-nous, Saint Nicolas !

"La France s’appelle Claude Mandel. Elle a 14 ans, son père vient d’être assassiné non par l’occupant mais par des Français ennemis de la France. La France, elle a 17 ans le visage de Guy Môquet quand il est fusillé : « 17 ans et demi… Ma vie a été courte ! Je n’ai aucun regret si ce n’est de vous quitter tous. » La France, elle a 19 ans et le visage lumineux d’une fille de Lorraine quand Jeanne comparait devant ses juges. Elle a 32 ans et le visage d’un émigré italien naturalisé français, quand Gambetta quitte en ballon Paris assiégé pour organiser la résistance aux Prussiens. La France, elle a 44 ans, le visage ensanglanté de Moulin quand il meurt sous la torture « sans avoir livré aucun secret, lui qui les savait tous. » Elle a 50 ans et la voix du Général de Gaulle le 18 juin 1940. Elle a 56 ans, le visage noir d’un petit-fils d’esclave devenu gouverneur du Tchad et premier résistant de la France d’Outre-Mer. Elle s’appelle Félix Eboué. Elle a 58 ans et le visage de Zola quand il signe "J’accuse" pour défendre Dreyfus et la Justice. Elle a 60 ans, le visage d’un proscrit qui s’appelle Victor Hugo lorsqu’au commencement des Misérables il écrit : « Tant qu’il y aura sur la Terre ignorance et misère des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles ». Elle a 77 ans et la force du Tigre quand Clemenceau déclare en mars 1918 : « Je continue à faire la guerre et je continuerai jusqu’au dernier quart d’heure car c’est nous qui aurons le dernier quart d’heure ! » Elle a la voix, la figure, la dignité d’une femme, d’une mère, rescapée des camps de la mort qui s’écrie à la tribune de l’Assemblée : "nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui, chaque année mutilent les femmes de ce pays". Ce jour là, elle s’appelle Simone Veil. Elle a la voix d’un jeune prêtre français, l’abbé Pierre, qui à la radio un jour de l’hiver 54 lance aux hommes son appel pathétique : « Mes amis au secours. Une femme vient de mourir gelée cette nuit, à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol (…). Devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure (…). Elle a le visage, l’âge de Georges Pompidou quand il évite le pire en mai 68.

La France, elle a le visage, l’âge, la voix de tous ceux qui ont cru en elle, qui se sont battus pour elle, pour son idéal, pour ses valeurs, pour sa liberté."

Claude Mandel, Guy Môquet, Jeanne d’Arc !!!, Gambetta, Jean Moulin, de Gaulle, Victor Hugo, Clémenceau, Simone Veil, l’Abbé Pierre (personnalité préférée des Français), Pompidou.

Nicolas Sarkozy assurément rêve de les rejoindre au Panthéon de la France, et se voit sans doute en dictateur éclairé de notre pays. Ce qui me surprend le plus, c’est qu’il manque Louis XIV !

"Ma France, c’est celle de tous les Français sans exception. C’est la France de Saint-Louis et celle de Carnot, celle des croisades et de Valmy. Celle de Pascal et de Voltaire. Celles des cathédrales et de l’Encyclopédie. Celle d’Henri IV et de l’Edit de Nantes. Celle des droits de l’homme et de la liberté de conscience.

Ma France, c’est celle des travailleurs qui ont cru à la gauche de Jaurès et de Blum et qui ne se reconnaissent pas dans la gauche immobile qui ne respecte plus le travail."

Ca y est, c’est complet ! Je pariais sur Louis XIV, nous avons eu Saint Louis. Merci Saint Nicolas !

Jaurès et Blum pour compléter, je crois qu’il ne manque plus personne (à part Zidane, peut être)

Cet homme, Nicolas Sarkozy, a soif de pouvoir, cela transpire dans son discours. Il a soif de reconnaissance, de respect, de puissance, et ce n’est pas par hasard qu’il fait référence à tous ces hommes.

Non seulement il souhaite faire vibrer en nous une fibre nationale, mais il exprime sa frustration de n’être pas un Grand Homme.

Mais dans ce chapelet de personnalités, lesquels ont souhaités devenir des Grands Hommes sciemment comme Nicolas Sarkozy, et lesquels ont défendu une cause sans se soucier de leur statut ? N’est il pas dangereux de se voir déjà grand alors qu’on n’a rien fait ?

Pour finir, Nicolas Sarkozy présente "l’exercice du pouvoir comme un don de soi" . Le penser, pourquoi pas, mais le dire... La dernière personne a avoir dit "Je fais à la France le don de ma personne" est le Maréchal Pétain le 17 juin 1940 !

Répondre à cet article

2 Messages de forum

  • Une actualité chargé et un silence radio

    17 janvier 2007 23:06, par Jacques
    Ca y est, Nicolas Sakozy est investi par l’UMP. J’ai été un peu silencieux ces derniers temps, mais maintenant que la campagne a démarré et qu’on aura du mal à compter sur un candidat sain à droite, il va falloir tout mettre en oeuvre pour ouvrir les yeux sur Nicolas Sarkozy, qui au-delà d’un discours séduisant, reste un mégalomane clientéliste et manipulateur qui serait encore plus dangereux comme président que ce qu’il a été comme Ministre de l’Economie et de l’Intérieur.

    Répondre à ce message

  • Pierre Louis Basse, dans le Monde du 19 janvier, réagit également :

    Cher Nicolas Sarkozy, c’est un joli message que vous avez tenu à nous envoyer depuis la porte de Versailles. Je dis "nous" pour désigner ma famille, voyez-vous, une famille qui se situe plutôt à gauche, depuis plusieurs décennies. Il faut dire que la politique ne déteste pas ce genre de tournants. Je comprends cela. On s’échauffe un peu, on s’emballe, l’air du temps vous pousse à prendre quelques risques verbaux - aidés en cela par des intellectuels touchés eux aussi par votre charisme - et hop ! le temps d’un meeting, c’est toute l’histoire de notre pays que vous parvenez à ramasser dans votre manche. Bien joué président. Très fort.

    Hier, Doc Gynéco, le vide et la frime, Pascal Sevran, et ce soir, Jaurès... Hugo... Mandel... La tête me tourne. C’est fou n’est-ce pas, ce que la société du spectacle peut avoir comme talents. Tous ces noms. Ces visages marqués au coin de la générosité. Le don de soi. Jusqu’à ce jeune homme de 17 ans, Guy Môquet (Le Monde du 16 janvier), fusillé évanoui, le 22 octobre 1941, avec 26 autres de ses camarades, tandis qu’un soleil d’hiver cinglait le camp de Choisel à Châteaubriant. Je n’en crois pas mes yeux. Franchement, je trouve que TF1 a été trop court dimanche soir. A force de culpabiliser, d’imaginer qu’ils en font trop pour vous dans la campagne, ils ont manqué l’essentiel. "J’ai changé", dites-vous, avec de vrais trémolos dans la voix. Ça n’est plus un changement, cher Nicolas Sarkozy, c’est une révolution. Certes, une révolution "de palais". Mais une révolution tout de même !

    Votre discours, je l’ai entièrement relu. C’est important la relecture. En creux, il y a tout de même ces petites habitudes. Ces tics qui reviennent, tapis dans l’ombre et rabattent légèrement le caquet du lyrisme. D’abord, l’empathie et la mémoire : "Ma France... Ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas... Celle des travailleurs qui ont cru à Jaurès et à Blum..." Ne manquaient plus à l’appel que Louise Michel, Gabriel Péri ou Georges Politzer. Mon dieu, que fait la gauche ? Sur le coup, j’ai cru à une lecture publique de l’Aragon du Roman inachevé. Presque du Jean Ferrat dans le texte.

    Grâce à vous, cher Nicolas Sarkozy, une fin de l’histoire est revisitée. Tous ces grands chênes, debout, derrière vous seul ! Une République des justes. Et puis j’ai fini par réagir. On se pince. Vous savez, comme lorsque nous sortons d’un étrange sommeil. Cette sieste assassine qui nous fait perdre le nord. Plus loin en effet, j’ai bien lu : "Cette gauche immobile qui ne respecte plus le travail... Cette République virtuelle qui veut donner un diplôme à tout le monde..."

    Alors, j’ai fini par remonter à ma propre surface. J’avoue que j’ai rêvé le temps d’un verbatim...

    Je me suis brusquement rappelé ce que me confiait mon grand-père, évadé de Châteaubriant avec Auguste Delaune, un mois après la fusillade, repris, déporté à Mauthausen, et copain de votre nouveau héros, le jeune Guy Môquet : "En 1936, me disait Pierre, tu sais, la droite française, dont une partie non négligeable épousera la collaboration - les fameux capitulards -, traitait le ministre Léo Lagrange, créateur des colonies de vacances, de ministre de la paresse..."

    Et là, voyez-vous, tout est remonté. Tout, je vous assure. Un courant revenu de loin. J’avoue. Je me suis laissé porter par la vague de ma mémoire de gauche. Les premiers congés payés ; La Baule pour les prolos, un salaire digne pour le travail des femmes, et, plus tard, les accords de Grenelle au printemps 1968 ; le smic, revalorisé, dès 1981, l’abolition de la peine de mort. Une sorte d’inventaire. Tout cela, cher Nicolas Sarkozy, obtenu grâce à des luttes. Des avancées, comme on disait à la maison, jamais offertes. Toujours conquises. Je dois dire aussi, sans vouloir vous offusquer, m’être brutalement rappelé votre difficulté en direct, à commenter la mort du dictateur chilien, Augusto Pinochet. Votre silence m’est apparu assourdissant. Les crimes de droite, impulsés directement par l’administration américaine de l’époque, ne vaudraient-ils pas ceux de gauche ?

    Vous aurez noté ma bienveillance à ne pas souligner vos propos malheureux sur cette banlieue où je vis et qui méritait d’autres égards que le simple vocable de "Kärcher". Cette banlieue d’où partirent, cher président, tant de jeunes résistants - armée des ombres de la première heure - dans les brumes de la porte de la Chapelle, Aubervilliers ou St-Ouen. Impossible, n’est-ce pas, dans un tel cortège, d’oublier ces figures étrangères au visage glabre et noir de barbe mal rasée, que déjà l’on stigmatisait sur ces affiches rouges placardées sur les murs de Paris... Missac Manouchian, le tourneur arménien des usines Citroën, Rino Della Negra, le footballeur du Red Star, Joseph Boczov, Stanislas Kubacki, Marcel Rayman... tous fusillés le 21 février 1944 au mont Valérien.

    "Le courage, écrivez-vous, consiste à surmonter sa peur..." Oserais-je vous rappeler qu’en plusieurs décennies Neuilly, votre premier grand bastion politique, a presque ignoré le logement social ? C’est ce qu’il y a de terrible dans les familles politiques, cher Nicolas Sarkozy : elles résistent au temps. Et au spectacle. J’aime assez cette phrase de François Mauriac, au soir de sa vie, lorsqu’il évoque la répartition des rôles dans le soulèvement contre l’envahisseur. Une période dont vous avez fait la matrice de votre discours, porte de Versailles : "La classe ouvrière française, dans ses profondeurs, est seule à être restée fidèle à la patrie profanée." Il serait temps que la gauche s’en souvienne.

    Pierre-Louis Basse, écrivain, auteur de Guy Môquet. Une enfance fusillée Stock 2000.

    Voir en ligne : Le Monde.fr : Sans vouloir vous offusquer, Nicolas Sarkozy, par Pierre-Louis Basse

    Répondre à ce message


Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette