mercredi 17 janvier 2007, par Jacques
A cet instant où pour moi tout change, je ne peux m’empêcher de penser à ceux qui m’ont fait rêver d’une autre destinée, d’une vie plus grande, d’un avenir plus passionnant. Ils ont été pour moi une source de réflexion, d’espérance, et même parfois de confiance. Eux, ce sont les héros de la Résistance et de la France Libre
Nicolas Sarkozy rêve d’une vie plus grande, il a le mérite de nous le dire directement et sans ambages. Nous voyons poindre la mégalomanie, discrètement. Une petite association aux héros de la résistance, ça ne peut pas nuire à l’image.
Nicolas Sarkozy nous emmène ensuite dans une tirade messianique ou il nous dit qu’il est sorti de son cocon étriqué de militant RPR, pour finir par s’identifier aux hommes et femmes, les prophètes, qui ont fait notre pays.
"J’ai changé parce qu’à l’instant même où vous m’avez désigné j’ai cessé d’être l’homme d’un seul parti, fût-il le premier de France. J’ai changé parce que les épreuves de la vie m’ont changé."
"J’ai changé parce que nul ne peut rester le même devant le visage accablé des parents d’une jeune fille brulée vive. Parce que nul ne peut rester le même devant la douleur qu’éprouve le mari d’une jeune femme tuée par un multirécidiviste condamné dix fois pour violences et déjà une fois pour meurtre."
Un petit peu de sentiment facile et de cas particuliers pour créer l’émotion, c’est important. Cas cas peuvent être révoltants, mais la généralisation à partir de cas particuliers est une excellente façon de se tromper !
"J’ai changé quand j’ai visité le mémorial de Yad Vashem dédié aux victimes de la Shoah. J’ai changé quand j’ai lu à Tibhirine le testament bouleversant de frère Christian, enlevé puis égorgé par des fanatiques avec six autres moines de son monastère."
On continue sur le sentiment facile, tout en se donnant une profondeur religieuse. Sauvez-nous, Saint Nicolas !
"La France s’appelle Claude Mandel. Elle a 14 ans, son père vient d’être assassiné non par l’occupant mais par des Français ennemis de la France. La France, elle a 17 ans le visage de Guy Môquet quand il est fusillé : « 17 ans et demi… Ma vie a été courte ! Je n’ai aucun regret si ce n’est de vous quitter tous. » La France, elle a 19 ans et le visage lumineux d’une fille de Lorraine quand Jeanne comparait devant ses juges. Elle a 32 ans et le visage d’un émigré italien naturalisé français, quand Gambetta quitte en ballon Paris assiégé pour organiser la résistance aux Prussiens. La France, elle a 44 ans, le visage ensanglanté de Moulin quand il meurt sous la torture « sans avoir livré aucun secret, lui qui les savait tous. » Elle a 50 ans et la voix du Général de Gaulle le 18 juin 1940. Elle a 56 ans, le visage noir d’un petit-fils d’esclave devenu gouverneur du Tchad et premier résistant de la France d’Outre-Mer. Elle s’appelle Félix Eboué. Elle a 58 ans et le visage de Zola quand il signe "J’accuse" pour défendre Dreyfus et la Justice. Elle a 60 ans, le visage d’un proscrit qui s’appelle Victor Hugo lorsqu’au commencement des Misérables il écrit : « Tant qu’il y aura sur la Terre ignorance et misère des livres de la nature de celui-ci pourront ne pas être inutiles ». Elle a 77 ans et la force du Tigre quand Clemenceau déclare en mars 1918 : « Je continue à faire la guerre et je continuerai jusqu’au dernier quart d’heure car c’est nous qui aurons le dernier quart d’heure ! » Elle a la voix, la figure, la dignité d’une femme, d’une mère, rescapée des camps de la mort qui s’écrie à la tribune de l’Assemblée : "nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les 300 000 avortements qui, chaque année mutilent les femmes de ce pays". Ce jour là, elle s’appelle Simone Veil. Elle a la voix d’un jeune prêtre français, l’abbé Pierre, qui à la radio un jour de l’hiver 54 lance aux hommes son appel pathétique : « Mes amis au secours. Une femme vient de mourir gelée cette nuit, à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol (…). Devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure (…). Elle a le visage, l’âge de Georges Pompidou quand il évite le pire en mai 68.
La France, elle a le visage, l’âge, la voix de tous ceux qui ont cru en elle, qui se sont battus pour elle, pour son idéal, pour ses valeurs, pour sa liberté."
Claude Mandel, Guy Môquet, Jeanne d’Arc !!!, Gambetta, Jean Moulin, de Gaulle, Victor Hugo, Clémenceau, Simone Veil, l’Abbé Pierre (personnalité préférée des Français), Pompidou.
Nicolas Sarkozy assurément rêve de les rejoindre au Panthéon de la France, et se voit sans doute en dictateur éclairé de notre pays. Ce qui me surprend le plus, c’est qu’il manque Louis XIV !
"Ma France, c’est celle de tous les Français sans exception. C’est la France de Saint-Louis et celle de Carnot, celle des croisades et de Valmy. Celle de Pascal et de Voltaire. Celles des cathédrales et de l’Encyclopédie. Celle d’Henri IV et de l’Edit de Nantes. Celle des droits de l’homme et de la liberté de conscience.
Ma France, c’est celle des travailleurs qui ont cru à la gauche de Jaurès et de Blum et qui ne se reconnaissent pas dans la gauche immobile qui ne respecte plus le travail."
Ca y est, c’est complet ! Je pariais sur Louis XIV, nous avons eu Saint Louis. Merci Saint Nicolas !
Jaurès et Blum pour compléter, je crois qu’il ne manque plus personne (à part Zidane, peut être)
Cet homme, Nicolas Sarkozy, a soif de pouvoir, cela transpire dans son discours. Il a soif de reconnaissance, de respect, de puissance, et ce n’est pas par hasard qu’il fait référence à tous ces hommes.
Non seulement il souhaite faire vibrer en nous une fibre nationale, mais il exprime sa frustration de n’être pas un Grand Homme.
Mais dans ce chapelet de personnalités, lesquels ont souhaités devenir des Grands Hommes sciemment comme Nicolas Sarkozy, et lesquels ont défendu une cause sans se soucier de leur statut ? N’est il pas dangereux de se voir déjà grand alors qu’on n’a rien fait ?
Pour finir, Nicolas Sarkozy présente "l’exercice du pouvoir comme un don de soi" . Le penser, pourquoi pas, mais le dire... La dernière personne a avoir dit "Je fais à la France le don de ma personne" est le Maréchal Pétain le 17 juin 1940 !