jeudi 3 mai 2007, par Jacques
J’ai rarement vu une élection autant passionner les gens. La machine à café des différentes entreprises n’a jamais entendu autant d’argumentations politiques ni d’analyses de comptoir, les mails partisans s’échangent allègrement, et je rencontre assez peu de gens qui n’ont pas une position tranchée. C’est soit ni l’un ni l’autre, soit contre l’un, soit contre l’autre. Assez peu de partisans sincères également.
Vous qui vous apprêter à déposer un bulletin Nicolas Sarkozy dans l’urne, parcourez cet article, lisez les autres, et faites le en connaissance de cause, abstenez-vous ou votez (même si cela est difficile) pour Ségolène Royal.
Je l’ai entendu ou lu plusieurs fois : "je n’apprécie pas spécialement Nicolas Sarkozy, mais je vote pour mes intérêts".
Je voudrais d’abord inciter à la réflexion ceux qui, par cette phrase, font preuve d’une conscience politique proche de celle de l’escargot. Prenons un exemple : on peut considérer politiquement que l’effet de serre est un problème, et voter pour des gens qui vont taxer les 4x4 polluants, tout en appréciant les 4x4 et en s’en achetant un six mois plus tard. Vous êtes déjà au quotidien dans le choix et la défense de vos intérêt personnels, alors quand vous votez, vous pouvez penser à l’intérêt de la société, et se demander ce qui est bon pour votre pays, plutôt que pour vous directement...
Au-delà des ces considérations moralisatrices, quels sont les points réellement impactant du programme de Nicolas Sarkozy ?
La suppression des droits de succession, qui valorise le capital, l’héritage et la famille, au détriment du travail. L’homme qui veut dans ses discours rétablir la valeur travail dans ses discours lui marche dessus déjà dans son programme. A moins d’être un riche héritier potentiel, vous n’avez aucun intérêt à cette mesure, puisque les pertes de revenu pour l’Etat devront être compensées... par votre travail !
Travailler plus pour gagner plus. Par ce crédo incantatoire, Nicolas Sarkozy permet surtout au patronat de minimiser ses coûts salariaux, tout en assénant un coup décisif aux systèmes de solidarité nationaux (assurance chômage, assurance maladie et caisse de retraite). Grâce à ce coup de génie, Nicolas Sarkozy pourra faciliter la création d’assurances privées pour remplacer les systèmes publics démantelés car en déficit, systèmes rivés qui vous seront plus favorables à conditions que vous soyez jeunes, diplômés et en pleine forme. Bref, la solidarité deviendra individualiste et profitable.
Le bouclier fiscal à 50% permettra par ailleurs de s’assurer que les gens qui sont vraiment riches ne seront pas trop imposés. Sachant que la dernière tranche de l’impôt sur le revenu est à 40%, arriver à plus de 50% d’imposition n’est pas donné à tout le monde, et le "reste à vivre" doit rester dans la plupart des cas confortable.
La déduction des intérêts de l’emprunt immobilier du revenu imposable, pour resolvabiliser une demande exsangue sur le marché immobilier, et soutenir artificiellment une bulle immobilière en cours d’éclatement grâce au financement public.
Finalement, si on dresse le portrait type de l’électeur qui a intérêt à voter Nicolas Sarkozy, il est relativement jeune et en bonne santé, propriétaire d’un logement qu’il veut revendre, en attente d’un très gros héritage qui nécessitera un bouclier fiscal pour protéger les revenus durement acquis à la sueur du front des autres.
Tous les autres sont des moutons prêts à voter massivement pour le berger qui va les tondre...
Combien de fois n’ai-je entendu également : "il y en marre de ces ********* qui se croient tout permis, il faut que ça change".
Mais voilà, le bilan de Nicolas Sarkozy sur le terrain de la sécurité, de la police et de la bonne application de la loi est calamiteux. Serge Portelli, magistrat, vice-président au tribunal de Paris, président de la 12e Chambre correctionnelle, auteur de nombreux ouvrages, a rédigé un nouveau livre : Ruptures, dressant le bilan sans concession de 5 ans de gouvernement Sarkozy et réfutant la plupart des fausses évidences fondant sa politique de sécurité.
Je vous invite à le lire de toute urgence en ligne, puisque par un malheureux concours de circonstances celui-ci n’a pu être publié.
L’ambition de Nicolas Sarkozy n’a d’égal que son désir de pouvoir et de reconnaissance. Cela transparait dans ses discours, qui prennent régulièrement une connotation mystique, comme si Sarkozy était un guide pour nous et notre Nation.
Mais voilà, en vérité je vous le dis, si Nicolas Sarkozy est élu, ses positions radicales associées aux difficultés que nous avons au devant de nous risquent de provoquer des affrontements durs entre le Chef de l’Etat et les syndicats, les jeunes, les étudiants, les immigrés... bref la lie de la société.
Or, face à cette contestation, Nicolas Sarkozy n’hésitera pas à prendre des mesures d’exception, ce dont il a toujours secrètement rêvé, et d’accroitre son pouvoir, de faire voter des lois remettant en cause la liberté et l’égalité des citoyens (comme il a déjà commencé à la faire pour "faire face au terrorisme" dans la droite ligne de l’action de Georges W. Bush), voire de s’accorder les pleins pouvoirs puisque la constitution lui en donne le droit.
Je crains vraiment une dérive totalitaire sous le règne de Nicolas Sarkozy, alors qu’on sent aujourd’hui partout dans l’occident les opinions publics se tendre et se raccrocher à des principes conservateurs, ce qui nous rappelle étrangement les années 1920-1930, quand après des exubérances incroyables le monde entier à traversé une crise économique majeure sur fond de conservatisme et montée des nationalismes et des extrémismes.
Alors oui, voter Ségolène Royal n’est pas une partie de plaisir. Elle a de nombreux défaut, que certains site comme Ségostop, crée par des militants UMP, ont su bien mettre en lumière.
Mais Ségolène Royal réfléchit indépendamment des intérêts directs des lobbys et des puissants. Par ailleurs, bien qu’autoritaire, elle n’affiche pas la même soif de pouvoir et de puissance.
Son programme est certes flou, mais elle a le mérite de proposer de faire ses réformes en relation avec les gens qui sont directement impliqués par les changments, ou à tout le moins leurs représentants.
Pour finir, Ségolène Royal n’est pas la panacée, mais elle représente pour la France et pour les Français un danger minime par rapport à Nicolas Sarkozy, un choix plus séduisant mais beaucoup plus risqué.
Vous qui vouliez voter pour Nicolas Sarkozy, il est fort probable que je ne vous ai pas fait changer d’avis, vu la force de l’opposition qui a marqué cette campagne, surtout entre les anti-sarko et anti-ségo.
Néanmoins, je vous demande de relire ces différents arguments, sans parti pris et sans biais, et de vous demander, avant de mettre votre bulletin dans l’urne, si vous êtes certains d’avoir fait le bon choix.